Au fil des ans, l’exploitation des hôtels a fortement évolué, obligeant à quelques modifications ou tout au moins à quelques « réglages » de ladite méthode hôtelière.
Dans les années 1980, certains hôteliers ont, pour obtenir un meilleur taux d’occupation, commencé à consentir des réductions de prix de location des chambres par rapport aux prix affichés, en ayant notamment recours à des tour-opérateurs (qui se rémunèrent en prenant 12 à 20% de commission en moyenne sur le prix de la chambre).
Cela eut pour effet de « gonfler » artificiellement les taux d’occupation moyens et de créer un déséquilibre avec les hôteliers appliquant strictement les tarifs affichés. Ce phénomène eut inéluctablement un impact sur la valeur locative, pénalisant ainsi les hôteliers qui n’offraient pas de réduction à leur clientèle, puisqu’ils se voyaient appliquer un taux d’occupation moyen plus élevé que celui effectivement obtenu.
C’est ainsi qu’au début des années 1990 fut insérée dans la méthode hôtelière une notion de segmentation de clientèle et de remise sur prix affichés, pour « corriger » l’inégalité entre les exploitations effectuant des remises et celles qui n’en pratiquaient pas.
Le calcul de la valeur locative s’effectuait désormais ainsi :
Recette maximale x (taux d’occupation moyen) x (% remises à la clientèle) x (% recette) = valeur locative
Toutefois, l’évolution de la vie, et notamment la révolution technologique apportée par Internet, a profondément modifié le mode de management des hôteliers.
En effet, l’apparition du commerce des chambres en ligne a obligé les hôteliers à octroyer des remises de plus en plus fréquentes et importantes à leur clientèle pour faire face à une concurrence accrue.
Désormais, la clientèle se fonde sur un tarif nommé le best available rate (BAR). et le yield pratiqué quotidiennement et la parité exigée sur les différents canaux de distribution rendent impossible toute échelle de remises accordées à la clientèle.
Dès lors, le coefficient d’abattement pour tenir compte des remises accordées à la clientèle devient difficile à appréhender et, dans tous les cas, très imprécis !
De même, le taux d’occupation obtenu par l’exploitant, qui est directement lié aux réductions tarifaires accordées, s’en trouve tronqué. Il paraît en conséquence difficile de rechercher la véritable et juste valeur locative d’un hôtel en s’appuyant sur deux composantes majeures de la méthode hôtelière qui sont pour le moins très incertaines et qui ne reflètent plus la réalité.
De même, le développement des locations Airbnb contribue à la baisse des prix de location des chambres d’hôtel. En effet, les propriétaires d’appartement sont de plus en plus tentés de louer leur bien en Airbnb, sachant qu’un deux-pièces bien situé à Paris peut atteindre 1 000 € par semaine, soit 143 € par jour. Un prix inférieur à la plupart des tarifs de chambres d’hôtel 3 et 4 étoiles.
Pour illustrer nos propos, il convient de rappeler qu’une étude d’une association de tourisme professionnel portant sur l’île Saint-Louis, à Paris 4ème, a recensé 314 appartements offerts à la location dite « collaborative », soit 17 des logements de l’île, alors que celle-ci ne comporte que 90 chambres d’hôtel réparties en quatre hôtels (trois de 3 étoiles et un de 4 étoiles). On comprend alors la difficulté qui s’ajoute pour l’exploitant pour obtenir un taux d’occupation élevé ; il ne peut y parvenir qu’en s’éloignant des prix affichés, c’est-à-dire en « cassant les prix » de location de ses chambres.
Dans les années 2000, l’apparition des catégories 5 étoiles et la création du label « Palace » ont imposé une nouvelle modification des correctifs appliqués sur la recette théorique maximale, Ainsi, une nouvelle classification hôtelière est entrée en vigueur le 27 décembre 2009, et mise définitivement en application le 23 juillet 2012 (loi Novelli). L’ancienne a, en conséquence, définitivement cessé de s’appliquer à compter de cette date.
Cette nouvelle classification découle d’une volonté d’alignement sur les autres pays européens en remplaçant les 30 critères réglementaires de la classification officielle précédente par 246 critères dont certains sont obligatoires, Le but recherché étant d’inciter les exploitants à améliorer la qualité de leur service et de leurs équipements.
Ainsi, désormais, il existe sept catégories d’hôtels avec des taux de recette qui s’établissent ainsi :
- Hôtel préfecture : 20 à 25 %
- Hôtel 1 étoile : 19 à 20 %
- Hôtel 2 étoiles : 16 à 18 %
- Hôtel 3 étoiles : 15 à 16 %
- Hôtel 4 étoiles : 13 à 14 %
- Hôtel 5 étoiles : 12 à 13 %
- Palace : 11 à 12 %
Les usages préconisent donc de rechercher la valeur locative ainsi :
Recette théorique maximale hors taxes x taux d’occupation x de remises à la clientèle x taux de recette nouvelles normes.
Sans perdre de vue que, ainsi que nous l’avons exposé précédemment, l’appréciation du pourcentage de remises à la clientèle et du taux d’occupation est devenue pour le moins empirique.
In fine, il est d’usage d’appliquer un dernier abattement lorsque l’exploitant a effectué d’importants travaux d’amélioration. En effet, l’article L311-4 du code de tourisme précise que, pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de douze années à compter de l’expiration du délai d’exécution, le bailleur ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l’incorporation à l’immeuble des améliorations résultant de l’exécution des travaux.
Dès lors, le locataire qui aura respecté le formalisme de l’article L311-2 du code du tourisme, en notifiant au bailleur (par lettre recommandée avec demande d’avis de réception) son intention de procéder à des travaux et en joignant un plan d’exécution, ainsi qu’un devis descriptif et estimatif des changements projetés, et sous réserve que le bailleur ait autorisé lesdits travaux, pourra alors prétendre à un abattement sur la valeur locative pour tenir compte des travaux d’amélioration de l’immeuble loué.
Reste à déterminer le niveau d’abattement, qui peut varier entre 5 % et 40 à 50 % en cas de travaux de restructuration lourds de l’hôtel ayant notamment permis le classement de l’établissement dans une catégorie supérieure.
Cette méthode d’appréciation de la valeur locative dite « méthode hôtelière » est jusqu’à présent appliquée de façon systématique par l’ensemble des experts immobiliers spécialistes de la propriété commerciale.
Malheureusement, si elle était parfaitement adaptée avant l’évolution de la vie moderne, contraignant les hôteliers à bouleverser leurs modes de gestion et de management, elle apparaît moins fiable aujourd’hui puisqu’elle repose sur un mode de calcul dont les composantes sont empiriques :
- remises totalement aléatoires et variant quotidiennement;
- taux d’occupation biaisé par les remises et ne permettant pas de comparaison fiable avec d’autres exploitations ne pratiquant pas des remises identiques;
- pourcentages d’abattement pour travaux devenus difficilement appréhendables.
De plus, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel » entrée en vigueur le 1er septembre 2014, et le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 sont également venus bouleverser l’équilibre des baux commerciaux en interdisant d’imputer certaines charges aux preneurs, notamment les grosses réparations de l’article 606 du code civil et les travaux prescrits par les autorités administratives.
Or l’essence même de la « méthode hôtelière » repose sur le fait que, dans la majorité des cas, l’hôtelier supporte lesdits travaux. La méthode d’appréciation de la valeur locative tenait donc logiquement de cet état de fait, et l’on constate d’ailleurs que les loyers des immeubles exploités en hôtels sont, à surfaces égales, bien moins élevés que ceux des immeubles exploités pour d’autres activités commerciales (comme des bureaux, par exemple). La prise en charge des travaux par l’exploitant justifiait la minoration des loyers résultant du calcul par « les usages observés » dans l’hôtelière.
Dès lors que l’équilibre du bail se trouve modifié par la prise en charge obligatoire par le bailleur des travaux prescrits par l’autorité administrative, lesquels peuvent être extrêmement lourds en hôtellerie en raison des nombreuses normes sécuritaires, et d’accessibilité notamment, imposées, il apparaît que la détermination du loyer des hôtels selon les usages observés dans la branche d’activité considérée n’est plus adaptée.
Il paraît, en conséquence, indispensable de procéder à un « dépoussiérage » de la méthode hôtelière afin de retrouver un équilibre du contrat de bail, et un équilibre économique entre les intérêts du bailleur et les intérêts de l’hôtelier.
En effet, il est urgent de procéder à l’adaptation de l’évolution de la méthode hôtelière aux nouveaux modes de management des hôteliers et aux nouvelles règles législatives. Pour cela, faites appels aux conseils immobiliers d’ADEM Expertise !